#EtToiCaVa
Ensemble, parlons de la dépression.
La campagne
L’histoire d’Antoine, c’est celle que vit ou vivra 1 personne sur 5 en France et dans le monde.
La Fondation Pierre Deniker propose ce court-métrage pour interroger le spectateur, montrer la réalité de la dépression et briser le tabou.
La dépression est une maladie qui se soigne.
Vous pouvez en parler avec :
- Un médecin généraliste : le médecin généraliste peut être le premier contact en cas de dépression légère ou modérée.
- Un psychiatre en activité libérale : il peut être consulté directement ou après avoir vu le médecin généraliste.
- Un psychiatre hospitalier : consultation au sein des Centres Médico-Psychiatriques (CMP) proches de chez vous.
- Un psychologue : il peut proposer des psychothérapies en cas de dépression légère ou modérée mais, contrairement au médecin généraliste ou au psychiatre, ne peut pas proposer de traitement pharmacologique.
- A l’hôpital psychiatrique ou dans une clinique psychiatrique privée : une hospitalisation peur être nécessaire. Vous y serez orienté soit lors de votre passage dans un service d’urgence, soit par le médecin qui vous suit en consultation.
Attention en cas d’idées suicidaires
Appeler le SAMU
15 ou 112
Se rendre aux urgences psychiatriques ou aux urgences générales
Tous touchés par la dépression
Que ce soit personnellement ou en tant que proche d’une personne déprimée, nous sommes tous touchés par la dépression.
La dépression est une maladie très fréquente : 1 personne sur 5 fera une dépression au cours de sa vie. Cela représente 300 millions de personnes dans le monde et 9,8% des Français. Les femmes sont plus à risque de développer une dépression.
Les projections de l’Organisation Mondiale de la Santé en font la première cause de handicap au 21e siècle devant les maladies cardiovasculaires.
Les pathologies les plus à risque de récidives dépressives sont le trouble unipolaire (récurrence de dépression) et les troubles bipolaires (récurrence d’épisode dépressif et d’épisode d’hypomanie ou de manie) qui diffèrent par leur prise en charge.
La dépression n’est pas une maladie d’apparition récente et on en trouve des descriptions précises depuis l’Antiquité avec toutefois des dénominations différentes (la mélancolie, l’acédie, ou la lypémanie).
Les multiples conséquences de la dépression
Il s’agit d’une pathologie qui entrave le fonctionnement des personnes dans les tâches les plus élémentaires telles que prendre soin de soi, avoir des interactions avec les autres, planifier des activités et parfois même sortir de son lit (clinophilie). Cela peut avoir de graves conséquences sur la vie familiale et professionnelle et peut conduire à une désinsertion socio-professionnelle.
Non prise en charge, la dépression peut se chroniciser et son traitement devient plus difficile. Elle peut également se compliquer par l’apparition d’autres troubles psychiques telles que les addictions à des substances licites (alcool, médicaments) ou illicites (drogues), des troubles anxieux mais aussi des maladies somatiques telles que les pathologies cardiovasculaires.
Le risque majeur est le suicide. Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes après les accidents de la voie publique. En France ce sont près de 10 000 suicides par an dont la plupart sont en lien avec une pathologie psychiatrique : on estime que 70% des suicidés souffraient de dépression au moment de leur geste.
Soigner la dépression
Il est indispensable de se faire aider pour sortir plus rapidement et avec le moins de séquelles d’une dépression.
Pour cela il existe des traitements dont l’efficacité a été clairement établie. Il s’agit de traitements pharmacologiques, psychothérapeutiques ou de techniques de stimulation cérébrales.
L’enjeu est de trouver rapidement le bon traitement pour la bonne personne. Le médecin traitant peut prendre en charge une dépression légère ou modérée en première intention. En cas de dépression sévère ou ne répondant pas correctement à un premier traitement, il faut avoir recours à un psychiatre. Les psychologues peuvent prendre en charge des symptômes dépressifs ne nécessitant pas de prescription pharmacologique ou participer à la prise en charge globale de dépressions plus sévères.
Les psychothérapies comportementales et cognitives sont indiquées en première intention (selon la Haute Autorité de Santé) dans le traitement des dépressions légères ou modérées. Ces psychothérapies peuvent être utilisées seules ou en synergie avec le traitement médicamenteux. Elles peuvent également aider à prévenir les rechutes et traiter les symptômes résiduels.
Les antidépresseurs sont des médicaments dont l’efficacité a été démontrée. Comme tous les médicaments, ils peuvent induire des effets secondaires qu’il est important de rapporter à son médecin afin de procéder à des ajustements du traitement. La plupart des antidépresseurs n’ont pas une action immédiate et 30% des dépressions sont résistantes aux traitements les plus communs et nécessitent des soins plus spécifiques. Il existe de nombreuses classes d’antidépresseur, et à l’heure actuelle l’enjeu majeur est de trouver des facteurs prédictifs de bonne réponse aux différentes classes en fonction de la clinique mais également de potentiels bio-marqueurs (indices biologiques ou d’imagerie cérébrale caractérisant certaines formes cliniques). Face à un épisode dépressif, il est important de rechercher systématiquement des éléments en faveur d’un trouble bipolaire, qui nécessite un traitement spécifique.
Lorsque la dépression est sévère, notamment avec des idées suicidaires, ou compliquée d’autres troubles, une hospitalisation peut s’avérer nécessaire. Lorsque le pronostic vital est en jeu ou lorsque la dépression résiste aux traitements, l’électro-convulsivothérapie (traitement à partir de courants électriques) est une indication de choix.
Reconnaître la dépression
Quels sont les symptômes de la dépression ?
La dépression peut avoir des présentations cliniques très variables d’une personne à l’autre. Il ne s’agit pas d’un simple sentiment de tristesse mais de la concomitance de plusieurs symptômes qui s’installent dans la durée (au moins 15 jours) et qui ont un retentissement sur le quotidien.
L’humeur est généralement triste mais l’irritabilité peut être prédominante (notamment chez les adolescents et les personnes âgées) et parfois s’installe une indifférence affective. L’angoisse, la culpabilité, l’impression que plus rien n’a de sens ou ne vaut la peine d’être vécu peuvent aller jusqu’à un sentiment de désespoir. Au-delà des émotions négatives, la capacité à éprouver des émotions positives s’appauvrit et les personnes ne ressentent plus de plaisir pour des choses habituellement plaisantes (anhédonie).
Des troubles cognitifs tels que des difficultés à se concentrer, à prendre des décisions ou des troubles de la mémoire complètent la plupart du temps le tableau. Ils peuvent impacter les personnes à des degrés divers en entravant la capacité à travailler, ou allant jusqu’à rendre quasi impossible de suivre une conversation, de lire des choses simples ou de se concentrer sur un film.
Il existe souvent un ralentissement global qui touche la vitesse des processus cognitifs et la motricité. La pensée perd de sa fluidité. Dans certains cas, les mouvements deviennent rares, lents, le faciès se fige, la voix est monocorde, le débit de parole diminué jusqu’à parfois s’éteindre jusqu’au mutisme.
La motivation est basse et inhibe la volonté des personnes qui ont le plus souvent beaucoup de mal à initier la moindre activité.
Les fonctions dites instinctuelles sont très précocement atteintes : le sommeil nocturne est perturbé tant en quantité (réveil précoce autour de 4h du matin sans possibilité de se rendormir) qu’en qualité (cauchemars, sommeil non réparateur), l’appétit est le plus souvent diminué avec une perte de poids associée. Parfois, il existe au contraire une hypersomnie avec une augmentation du besoin de sommeil et une augmentation de l’appétit avec prise de poids. Le désir sexuel disparaît (baisse de la libido) pendant que se développe des troubles de l’orgasme.
De nombreuses personnes vont développer des idées suicidaires qui peuvent les conduire à un passage à l’acte auto-agressif.
L’ensemble de ces symptômes entraine une modification marquée de la capacité à fonctionner au quotidien.
Les facteurs de risque
Grâce à la recherche, nous connaissons mieux les facteurs favorisant la survenue d’une dépression sans pour autant disposer d’un modèle unique qui pourrait expliquer tous les aspects de la maladie. La dépression résulte d’une vulnérabilité génétique/biologique individuelle et de facteurs environnementaux.
Facteurs génétiques
Le risque de faire une dépression est trois fois plus élevé lorsque l’un de ses parents a lui-même souffert de dépression. S’il n’existe pas un « gène de la dépression », les chercheurs ont identifié de multiples gènes dont chacun pourrait rendre compte d’une fraction de cette vulnérabilité. L’histoire du sujet viendra sûrement tout au long de la vie moduler l’expression de ces gènes pour favoriser ou rendre plus résilient à des facteurs potentiellement déclencheurs d’épisodes dépressifs.
Facteurs biologiques
Les neurotransmetteurs, molécules permettant d’établir un dialogue entre deux neurones, sont les premiers à avoir été mis en cause dans la genèse de la dépression. Ils sont la cible de la plupart des traitements antidépresseurs qui visent à augmenter les concentrations de ces médiateurs dans les fentes synapses (espaces de communication entre deux neurones). Il existe trois types de neurotransmetteurs impliqués : la sérotonine, la noradrénaline et la dopamine. Autre facteur incriminé, l’hormone dite de stress, le cortisol, qui est sécrétée lors de situations anxiogènes ou d’agressions de l’organisme pour aider le sujet à mobiliser ses ressources, et qui peut favoriser l’émergence de symptômes dépressifs.
De manière plus large, les processus inflammatoires et les dysrégulations du système immunitaire semblent liés au déclenchement, au maintien ou à la résistance aux traitements des symptômes dépressifs. Ces processus pourraient notamment diminuer la neurogénèse (apparition de nouveaux neurones) et la neuroplasticité (mécanisme par lequel le cerveau est capable de se modifier), qui sont observées au cours des dépressions. Les antidépresseurs ont un impact direct sur ces processus et augmentent la neurogénèse dans des zones bien particulières du cerveau. Ceci pourrait expliquer les données d’imagerie cérébrale structurale montrant que les personnes souffrant de dépression ont un volume hippocampique (structure impliquée dans les processus de mémorisation) diminué, et ce en proportion avec la durée non traitée de l’épisode. L’efficacité des traitements pourrait dépendre en partie de la restauration de cette neurogenèse et du volume de l’hippocampe. Par ailleurs, l’imagerie fonctionnelle, étudiant l’activité des structures cérébrales dans des conditions données, montre des différences d’activation de zones cérébrales impliquées dans la régulation des émotions, les phénomènes de ruminations cognitives, la motivation. Ainsi, l’amygdale, structure impliquée dans les processus émotionnels, a des profils d’activité et des connectivités modifiés avec des structures régulatrices telles que le cortex cingulaire antérieur, l’insula et le cortex préfrontal dorso-latéral.
Facteurs environnementaux
Parmi les facteurs potentiellement déclencheurs d’un épisode dépressif, on retrouve les situations génératrices de stress (difficultés financières, chômage, séparations, deuil, maladies graves et/ou chroniques…). Certaines maladies, au-delà du stress qu’elles génèrent, peuvent induire des dépressions par leur impact sur le système immuno-inflammatoire. D’autres pathologies peuvent induire une symptomatologie dépressive (ex hypothyroïdie) qui régresse en traitant la maladie. Il est donc recommandé face à des symptômes dépressifs de rechercher ces pathologies. C’est le cas aussi de certains traitements.
La maltraitance dans l’enfance est un facteur induisant une vulnérabilité à long terme et est un facteur lié aux récidives et à des formes plus sévères de dépression. Pour les femmes, le post-partum et la ménopause sont des périodes à risque majoré. Chez certaines personnes particulièrement vulnérables, des changements de saison ou des décalages horaires peuvent suffire à déclencher un nouvel épisode. Cependant, il n’est pas possible d’identifier des facteurs déclenchants pour tous les épisodes.
Les défis
La double peine de la stigmatisation
Au-delà des symptômes qui entravent leur fonctionnement, les personnes déprimées sont souvent stigmatisées. La stigmatisation est un processus social qui désigne une catégorie d’individus comme déviante par rapport à une norme collective. Bien étudiée par la sociologie, la stigmatisation peut concerner des individus qui ont un signe physique, un type de comportement ou de pensée identifiée comme contrevenante à ce qui est défini comme valeur de référence pour une société donnée. Ceci a pour conséquences une mise à l’écart (marginalisation, exclusion) ou des tentatives de normalisation (par mesures incitatives ou le plus souvent coercitives) des individus stigmatisés.
Dans le cas de la dépression, ce sont les symptômes mêmes qui sont interprétés comme des actes de déviance délibérés et donc pénalisés. Les symptômes dépressifs sont classiquement (et à tort) décodés comme étant des actes de paresse, de mauvaise volonté ou de faiblesse de caractère. Ainsi la personne est non seulement malade, mais va se voir aussi reprocher « de ne pas assez se bouger », de « se plaindre tout le temps » alors que cela représente l’expression de sa maladie.
Si la tristesse est bien une émotion « normale » en réaction à des situations douloureuses, elle est pathologique lorsqu’elle n’a pas d’objet, qu’elle est indifférente au contexte ou qu’elle évince toutes les autres émotions. Dans tous les cas, l’individu n’a pas le contrôle de ses symptômes mais les subit douloureusement.
La stigmatisation a pour grave conséquence d’entraver l’accès aux soins car le sujet intériorise ces idées fausses très répandues. La dépression est une maladie qui tue et qui doit être prise en charge.
Quels sont les défis à relever ?
Informer le grand public : faire connaître la dépression et faire comprendre qu’il s’agit d’une maladie. Plus largement, aider à la déstigmatisation des troubles psychiques et lutter contre les idées fausses qui s’y rapportent ainsi qu’à leurs traitements.
Mieux former les professionnels de santé au repérage précoce de la dépression et aux différentes options thérapeutiques.
Soutenir la recherche sur les troubles psychiques, pour comprendre notamment leur contexte d’apparition, déterminer les facteurs précoces de réponse aux différents traitements pour mieux personnaliser les prises en charge, développer de nouvelles thérapeutiques.
Ressources
De manière générale
Associations de patients et de proches
Dispositifs d'écoute
Associations de patients et de proches
Comprendre la dépression
La dépression, Henri Lôo, coll. « Que sais-je ? », 2001
Témoignage littéraire
Un 15 août à Paris, Céline Curiol, Actes Sud, 2014
Tomber sept fois, se relever huit, Philippe Labro, Folio Gallimard, 2005
Soutien psychothérapeutique
La dépression comment en sortir, Mirabel-Sarron, Poche Odile Jacob, 2010
Dépression s’enfermer ou s’en sortir, Antoine Pelissolo, Le Muscadier, 2017