Livre Blanc
La dépression
Article 1.1
La dépression chez l’adolescent
La dépression chez l’adolescent est un trouble complexe, différent de l’adulte, et ceci d’autant plus que le sujet est jeune. Dans cet article le Dr. Julie Brunelle et le Pr. David Cohen présentent les caractéristiques de la symptomatologie dépressive chez l’adolescent et sa distinction souvent difficile, avec des mouvements dépressifs inhérents aux processus normaux à l’adolescence. Dans une perspective développementale, les auteurs exposent les critères internationaux de diagnostic, les études de prévalence et des facteurs de risques (individuels, familiaux, développementaux), des phénomènes cliniques associés à la dépression de l’adolescent (les comorbidités multiples, le risque suicidaire, et les différentes voies de prise en charge).
Article 1.2
La dépression chez l’adolescent – Discussions et débats
La question de la dépression à l’adolescence et l’évaluation thérapeutique des troubles dépressifs de l’adolescent nécessite de pouvoir répondre à plusieurs questions polémiques: « Quelle est la définition de la population à traiter ? », « L’adolescence est-elle un stade du développement avec des fondements neurobiologiques ou est-elle une construction sociale à un point tel qu’il était des cultures dites traditionnelles où elle n’existait pas ? ». De la définition de l’adolescence à celle de la dépression, cet article discute les controverses qui transforment notre regard sur la dépression de l’adolescent et soulignent comment ces controverses transparaissent à travers les travaux de recherche actuelles sur la dépression, les hypothèses étiopathogéniques sous-jacentes et les perspectives de prise en charge. Les évolutions les plus actuelles de ces débats sont discutées dans 4 axes: Quelle est la place de la dépression de l’adolescent au sein du développement ? Relève-t-elle de critères diagnostiques spécifiques ? Quel est son poids épidémiologique actuel ? Quelles sont les thérapies les plus adaptées pour la dépression chez l’adolescent ?
Article 2.1
La dépression chez l’enfant
La dépression chez l’enfant est une entité clinique rare mais dont les conséquences peuvent être graves sur le fonctionnement global de l’enfant sur le plan de sa socialisation, de son inscription dans les apprentissages, de l’investissement de son corps et de son narcissisme qu’en terme de santé mentale future. Dans cet article, le Dr. Julie Brunelle et le Pr. David Cohen présentent les caractéristiques de la dépression chez l’enfant et le cortège de troubles qui peut y être associé (troubles oppositionnels, hyperactivité, trouble des conduites), souvent responsables d’errances diagnostiques. La reconnaissance de la souffrance chez l’enfant doit intégrer une perspective développementale et psychopathologique et mobiliser des stratégies multiples de prises en charge.
Article 2.2
La dépression chez l’enfant – Discussions et débats
La dépression de l’enfant est une entité nosographique bien connue depuis les années 1970. Cependant, elle est difficile à reconnaître et à diagnostiquer chez l’enfant. Le dogme de l’enfance insouciante a longtemps leurré les professionnels de santé, mais aussi déboussolé les plaintes des parents. Dans cet article, le Dr. Marcelline Renaud-Yang et le Pr. Florence Askenazy soulèvent deux pistes de recherche évoquées dans la littérature internationale : la première concerne la compréhension des interactions gène-environnement, la seconde porte sur l’étude des systèmes neuronaux impliqués dans la régulation des affects positifs. Ces recherches permettraient de mieux comprendre la dépression chez l’enfant et à développer de nouvelles stratégies préventives et thérapeutiques.
Article 3
Dépression et personnes âgées
Au-delà de 65 ans, l’estimation du taux de prévalence des épisodes dépressifs majeurs apparaît inférieure à celle observée chez l’adulte d’âge moyen. Pourtant, certains indicateurs sont alarmants: en institution hospitalière, 20% des sujets âgés seraient déprimés; en institution pour personnes âgées, la prévalence de la dépression avoisine 40% des résidents. L’article du Dr. Thierry Gallarda apporte un éclairage scientifique et clinique permettant d’expliquer les résultats des études épidémiologiques qui contrecarrent l’intuition médicale d’une élévation avec l’âge des troubles dépressifs. Il insiste sur les spécificités cliniques de la dépression chez la personne âgée et les multiples facteurs, fréquents avec l’âge mais exclus de la critériologie, qui modifient son expression symptomatique. Sont présentés les comorbidités multiples de l’épisode dépressif avec des troubles cognitifs, somatiques et psychiatriques, le problème des addictions et des troubles des conduites et du comportement dans leur possible valeur d’équivalents dépressifs. Les actions concrètes qui découlent en termes d’évaluation et de thérapeutique (médicamenteuse, psychologique, médico-sociale), sont présentées ainsi que et le rôle de la famille et des différents acteurs du corps médical fédérés autours de cette problématique.
Article 4
Dépression et suicide
Le risque suicidaire chez les personnes dépressives est multiplié par 20 fois par rapport à la population générale et le comportement suicidaire est plus létal dans le trouble bipolaire. A l’appui d’une analyse de travaux scientifiques et cliniques, le Dr. Hantouche présente l’enjeu du clinicien qui est celui d’être capable d’estimer la potentialité du risque suicidaire chez un patient dépressif (mesures préventives) et de repérer les facteurs « modifiables » sur lesquels il peut agir (mesures curatives). Fondé sur la conjonction de données scientifiques et d’une analyse clinique, l’article présente les facteurs associés au risque du suicide et permet de lever le paradoxe apparent qu’une bipolarité atténuée ou cyclothymique est plus suicidaire qu’un trouble plus sévère. L’auteur montre l’importance d’aborder les troubles de l’humeur dans leur évolutivité en explorant de plus près la nature des tempéraments affectifs, la précocité du début, la qualité mixte des épisodes, la comorbidité et le mode évolutif instable ou circulaire…ce qui va guider le meilleur choix des traitements du trouble dépressif et éviter certains traitements susceptibles d’accentuer le risque naturel, notamment dans les dépressions appartenant au spectre bipolaire.
Article 5
Dépression et symptômes délirants
Les dépressions dans lesquelles le trouble de l’humeur s’accompagne de symptômes délirants et/ou d’hallucinations, représentent environ 15% de l’ensemble des dépressions et 25% de celles qui nécessitent une hospitalisation. Souvent sous-diagnostiqué en raison de la méconnaissance des symptômes psychotiques, ce type de dépression suscite des débats quant à son autonomie au sein du cadre clinique des troubles de l’humeur. Dans cet article, le Dr. Karim Tabbane expose de nombreuses études cliniques montrant les spécificités symptomatiques et évolutives des dépressions délirantes et l’importance de ces connaissances pour les différentes étapes de la prise en charge du patient. De ces spécificités découlent des mises en garde cliniques quant à la reconnaissance des facteurs qui pourraient constituer une entrave à la rémission fonctionnelle (ex. la non reconnaissance des troubles induite par le délire, les troubles cognitifs, le risque suicidaire, le risque évolutif vers la bipolarité etc.) et des recommandations thérapeutiques.
Article 6
Dépression et anxiété
L’anxiété et la dépression sont des réalités distinctes, mais partagent des bases physiopathologiques communes, de nature cognitive et/ou émotionnelles qui fondent leurs rapports étroits et souvent complexes. Il existe au moins trois configurations dans lesquelles anxiété et dépression peuvent se rapprocher voire se confondre: 1. Des troubles dépressifs associés à des troubles anxieux, 2. Des troubles anxieux qui peuvent comporter des signes de dépression, 3. Des états dépressifs marqués par une anxiété plus ou moins sévère et variable. Dans cet article Antoine Pelissolo présente les enjeux cliniques principaux dans ce type de situation, les critères qui pèsent sur le jugement clinique et les grandes lignes des situations thérapeutiques de la comorbidité dépression et trouble anxieux. Pour aller plus loin dans la réalité clinique des rapports entre anxiété et dépression, l’article interroge la validité clinique du trouble anxieux et dépressif mixte qui rend compte d’un grand nombre de situations où les sujets ne répondent pas aux critères d’un trouble anxieux ou dépressif caractérisé, alors qu’ils présentent des éléments de souffrance ou de handicap significatif. L’article présente la teneur des interrogations et des controverses quant à la validité et à l’utilité de cette entité diagnostique.
Article 7.2
Dépression et alcool psychopathologie
Nombreuses sont les études qui mettent en évidence des liens bidirectionnels entre la consommation d’alcool et la dépression. La dépression est associée à une consommation problématique d’alcool plus précoce ainsi qu’à un risque suicidaire plus élevé. D’autre part, la dépendance à l’alcool augmente le risque de développer un épisode dépressif majeur et les personnes présentant un problème d’alcool sont considérées comme des personnes à haut risque suicidaire. Dans cet article, le Pr. Varescon, présente les données publiées sur ces relations et souligne les facteurs susceptibles de les influencer.
Article 7.3
Dépression et alcool psychopathologie – Aspects cliniques et épidémiologiques
Les troubles liés à l’utilisation de l’alcool et la dépression sont parmi les principales causes d’incapacité et d’invalidité dans le monde. Qu’ils s’agissent d’une consommation quotidienne excessive, d’épisodes répétés de consommation rapide et importante jusqu’à l’ivresse (« binge drinking »), de boire jusqu’au préjudice physique ou mental ou jusqu’à la dépendance, ces conduites d’alcoolisation constituent un facteur de risque majeur de survenue d’un trouble psychiatrique. Dans cet article, le Pr. Amine Benyamina et le Dr. Mohammed Taleb, présentent des études scientifiques qui interrogent la comorbidité entre la consommation excessive d’alcool et la dépression et analysent ses nombreuses conséquences et particularités sur le plan épidémiologique, clinique et explicatif.
Article 8
Dépression et toxicomanie
D’après les études épidémiologiques menées en population générale, les troubles dépressifs sont fréquemment associés aux addictions aux drogues, notamment au cannabis, aux opiacés, à la cocaïne et d’autres stimulants. Les troubles dépressifs peuvent se rencontrer à tous les stades de l’évolution du processus addictif. Ils constituent un motif fréquent de recours aux soins. Comment reconnaître et traiter ces dépressions, comment tenir compte des risques auxquels elles sont associées, dont le plus fréquent est le suicide ? Traiter seulement un trouble est insuffisant. Il est nécessaire de prévoir une double prise en charge sur le long terme, l’amélioration symptomatique n’étant que la première étape de la rémission.
Article 9
Dépression, schizophrénie et troubles schizo-affectifs
Les relations entre les troubles de l’humeur, tels que les troubles dépressifs ou bipolaires, et les troubles schizophréniques n’ont cessé d’être complexes, remises en cause soit en faveur de leur indépendance soit, au contraire, en faveur de leur appartenance à un continuum clinique et étiopathogénique allant des troubles bipolaires aux troubles schizophréniques, et situant, au milieu de ce continuum, le trouble schizo-affectif au statut fragile et contesté. Le débat autour de la place diagnostique des troubles schizo-affectifs et des liens entre troubles schizophréniques et bipolaires n’est toujours pas clos. Dans la nouvelle classification américaine, le DSM-5, les troubles schizo-affectifs restent un diagnostic indépendant au sein des troubles du spectre schizophrénique et bipolaire. La recherche neurocognitive pourrait renouveler les termes de ces débats en interrogeant le fonctionnement de la cognition et les processus pathophysiologiques sous-tendant la cognition sociale dans ces pathologies. Le Pr. Chrystel Besche-Richard expose les termes et les enjeux de ces débats.
Article 10
Dépression et diabète
Le risque de développer une dépression est trois fois plus élevé chez les patients diabétiques de type 1 et environ deux fois plus élevé chez les diabétiques de type 2 que chez les non-diabétiques. Malheureusement, la dépression chez les patients diabétiques est le plus souvent non identifiée et non prise en charge. La présence d’une dépression aggrave le pronostic et augmente la présence de facteurs de risque de nombreuses complications (de neuropathies, de néphropathies, de rétinopathies et de complications macrovasculaires, coronariennes), altère la qualité de vie, accentue le handicap et augmente la mortalité. Le Dr. Sylvain Thiebaut, le Pr. Sébastien Guillaume et le Pr. Philippe Courtet, présentent les relations bidirectionnelles entre la dépression et le diabète. La présentation se fonde sur de nombreuses études internationales et présente des hypothèses sur les mécanismes de ces relations et leurs conséquences pour la prise en charge pluridisciplinaire et la prévention du diabète et de la dépression.
Article 11
Dépression et risque de cancer
La croyance qu’il existe un lien entre dépression et risque de cancer est très répandue chez les patients atteints de cancer et leurs familles, voire chez certains soignants. Elle est peut- être favorisée par notre difficulté à concevoir que certains événements de notre vie, comme une maladie physique, peuvent nous frapper au hasard ou en fonction des seules lois de la biologie. Dans cet article, le Dr. Cédric Lemogne présente une synthèse des résultats d’un grand nombre d’études scientifiques et examine de façon critique et rigoureuse les multiples facettes de cette relation: les liens entre la dépression et la survenue d’un cancer ainsi qu’entre la dépression et la survie chez les patients atteints de cancer. Même si la dépression n’est pas directement responsable de la survenue d’un cancer, ces études suggèrent qu’elle pourrait être associée à un risque plus important de mortalité par cancer en raison d’un risque de retard du diagnostic inhérent au comportement des personnes dépressives mais aussi à celui du corps médical.
Article 12
Dépression et maladie coronarienne
La dépression est associée à une surmortalité cardiovasculaire, notamment coronarienne. Le risque de présenter un premier événement coronarien reste élevé d’environ 90% en cas de symptomatologie dépressive même lorsque plusieurs facteurs confondants ou médiateurs potentiels sont pris en compte, comme la consommation de tabac, le surpoids, la sédentarité. D’autre part, la dépression est associée à un pronostic moins favorable en cas d’insuffisance coronaire. Le Dr. Cédric Lemogne présente des études scientifiques visant à explorer les processus physiologiques de la vulnérabilité cardio-vasculaire et à démontrer l’intérêt d’une intervention pharmacologique, psychologique ou mixte sur les symptômes dépressifs dans la prévention des récidives et de la mortalité chez les patients coronariens.
Article 13
Dépression et tempérament
Dans cet article le Dr. Eli Hantouche présente la notion de tempérament affectif et ses liens avec le trouble bipolaire. Ceux-ci on été introduits par les théories fondatrices d’Hyppocrate et de Galien qui ont analysé avec délicatesse la notion de tempérament construisant une véritable «philosophie de la vie » qui continue d’inspirer les spécialistes modernes. « La maladie peut venir et s’en aller, mais le tempérament reste ». Cette affirmation de l’auteur est fondée sur des travaux empiriques. Ils ont été largement stimulés par la création d’outils (comme l’échelle TEMPS) permettant de mesurer les dimensions et les spécificités des tempéraments affectifs, en particulier dans le cadre du trouble bipolaire. Les données disponibles appuient la valeur des tempéraments comme des variantes sub-cliniques des troubles de l’humeur et montrent qu’ils ont une influence sur les formes cliniques des troubles, sur les âges de début et sur leur cours évolutif. Les recherches d’avenir devraient permettre de mieux comprendre le rôle aggravant de la synergie entre les tempéraments dans les cas bipolaires complexes, d’intégrer des travaux en génétique, en neuro-imagerie, promouvoir le suivi au long cours des jeunes cyclothymiques et mieux explorer l’impact des tempéraments sur la santé physique.
Article 14.1
Dépression et récurrences
Les patients déprimés sont exposés au risque de rechute, de récurrence et de chronicisation de leurs troubles. La question du pronostic occupe une place déterminante que ce soit à court ou à plus long terme car cela conditionne le fonctionnement des patients, leur qualité de vie et la survenue de complications somatiques. Dans cet article, le Dr. Adeline Gaillard présente des études scientifiques qui explorent les facteurs associés aux récurrences dépressives, le phénomène de «sensibilisation » des individus aux phénomènes dépressifs (le modèle de « kindling ») et les indications majeures de prise en charge qui en découlent.
Article 14.2
Dépression et récurrences – Facteurs de risques, facteurs de vulnérabilité
La dépression est une maladie récidivante ayant de nombreuses conséquences, tant sur le plan individuel que collectif. Il est donc important de se préoccuper, au-delà de la prise en charge de l’épisode aigu, de la prévention des rechutes via l’identification de facteurs de vulnérabilité. La vulnérabilité au trouble dépressif ne peut pas se réduire à une cause unique mais repose sur l’interaction de facteurs cliniques et de supports biologiques liés par un rapport bidirectionnel entre stress et vulnérabilité. Dans cet article, le Dr. Chloé Girod, le Dr. Emilie Olié et le Pr. Philippe Courtet présentent la complexité des facteurs de vulnérabilité dépressive et leurs actions à différents niveaux d’observation: clinique, psycho-social, cognitif, neurophysiologique, neuroanatomique, biochimique ou encore génétique. Ces recherches ont un intérêt majeur pour la prise en charge optimale et individualisée des patients atteints de trouble dépressif récurrent.
Article 16.1
Électroconvulsivothérapie et dépression
L’électroconvulsivothérapie (ECT) consiste en l’induction d’une crise comitiale à visée thérapeutique, au moyen d’un courant électrique à administration transcranienne. Appelée encore «sismothérapie », ce traitement découvert en 1938, a connu une désaffection dans les années 1960 et 1970, et une image de thérapeutique « barbare » largement véhiculée par le roman de Ken Kesey «Vol au-dessus d’un nid de coucous» adapté au cinéma. Bien qu’il fût initialement proposé pour les patients souffrant de schizophrénie, l’ECT montrera une efficacité dans le trouble de l’humeur notamment la dépression. À l’appui d’une analyse de la littérature scientifique, le Dr. Fayçal Mouaffac présente les hypothèses explicatives des mécanismes physiologiques de l’ECT, son intérêt curatif et préventif dans différentes formes cliniques de la dépression, les conditions optimales de son application et ses effets secondaires.
Article 16.2
Dépression et stimulation magnétique transcrânienne répétitive
La stimulation magnétique transcrânienne (TMS) est une technique de neurostimulation focalisée, non invasive et indolore, se pratiquant en ambulatoire sans anesthésie générale. Le fondement de cette stimulation est basé sur le principe d’induction mutuelle découvert par Michael Faraday en 1831. Aujourd’hui, la rTMS est utilisée dans une gamme variée de troubles. Son utilisation dans la dépression est basée sur l’hypothèse du dysfonctionnement des régions cérébrales préfrontales et l’asymétrie fonctionnelle droite – gauche que la stimulation à haute fréquence vise à restaurer. L’efficacité antidépressive de la rTMS est étayée par plus de 15 méta-analyses des résultats de la littérature. Le Dr. Raphaëlle Richieri décrit ces travaux et précise les interrogations cliniques qui guident l’application de la technique : les profils de patients dépressifs qui peuvent en bénéficier, ses indications optimales, les règles de sécurité et les contre-indications liées à cette pratique.
Article 17
Les psychothérapies de la dépression dans la vraie vie
La « vraie vie » renvoie à la fois aux situations cliniques que rencontre le clinicien dans sa pratique avec de « vrais patients» et aux contextes particuliers dans lesquels une dépression peut s’exprimer: contextes d’âge, de pathologies ou troubles associés, d’environnement, d’histoire de vie et de situations. Dans cet article, le Dr. Jean-Michel Thurin expose la question de l’efficacité des psychothérapies pour la dépression au travers de l’approche « vraie vie » qui implique une méthodologie plus ouverte et plus complexe que celle qui est généralement utilisée et qui ne permet pas véritablement de savoir avec qui, pourquoi et comment une psychothérapie est efficace. L’exposé présente : 1. Les traits spécifiques de quatre approches thérapeutiques (psychodynamique, cognitivo-comportementale, interpersonnelle et familiale) • 2. L’efficacité générale des approches psychothérapiques de la dépression et les études comparatives qui les concernent • 3. Les données relatives aux psychothérapies de la dépression dans différents contextes, de situation et d’âge (ex. dépression en présence de troubles de la personnalité, dépression récurrente, pendant la grossesse, chez la mère de jeunes enfants, en présence de troubles somatiques, en situation de pauvreté, etc.). Dans la « vraie vie », les thérapeutes sont confrontés à des tableaux cliniques et des situations très hétérogènes et souvent complexes. Dans ce contexte, les ingrédients actifs d’une thérapie sont-ils nécessairement ceux qui sont présumés par la théorie ou par le modèle thérapeutique ?
Article 18
Dépression et psychanalyse
La psychanalyse des patients déprimés est une jeune technique thérapeutique issue d’une méthode ancienne et qui a pris une ampleur de façon relativement récente. Dans cet article, le Dr. Olivier Bouvet de la Maisonneuve souligne que bien que les médicaments constituent un premier pas pour «sortir la tête hors de l’eau » pour une personne déprimée, la psychanalyse peut constituer le pas suivant, en particulier lorsqu’elle s’interrogera sur son destin et voudra le reprendre en main. La psychanalyse est une méthode thérapeutique dans laquelle, contrairement aux idées reçues, le patient joue un rôle actif, c’est pourquoi elle trouve son indication en dehors de la crise. La dépression reste pourtant une indication paradoxale car l’angoisse qui est son symptôme premier, suspend les associations qui sont au cœur du travail et expose le patient à des passages à l’acte qui le font sortir du cadre. Il est possible de travailler, en analyse, avec des patients déprimés à la condition qu’existe une double prise en charge et que la douleur soit contrôlée par le traitement. Le Dr. Olivier Bouvet présente les fondements théoriques de l’approche psychanalytiques de la dépression, les aménagements nécessaires de la technique et les différents temps de la cure analytique. La dépression est une maladie de la dépendance et les cicatrices qu’elle laisse sur son passage empêchent parfois le sujet d’accéder à l’autonomie de son désir: toutes les thérapies, quelles qu’elles soient, connaissent le même écueil…
Article 19
Utilité de l’exercice physique pour le traitement de la dépression
Peut-on soigner la dépression par l’activité physique ? Il y a plus d’un siècle, Franz et Hamilton ont réalisé une étude longitudinale dont l’objectif était de mesurer l’évolution de l’état émotionnel des personnes souffrant de troubles dépressifs lors de journées comportant des exercices physiques variés, et lors de journées sans exercice. Les résultats ont montré que l’humeur des participants était fortement améliorée les jours où ils pratiquaient du sport par rapport aux jours sans activité physique. Les répercussions de la pratique d’exercices physiques sur les symptômes dépressifs ont commencé à être scientifiquement documentées depuis les années 1970. Le Dr. Fabien Legrand décrit avec une grande précision les résultats des recherches scientifiques contemporaines, les conditions optimales de leurs applications et les recommandations que ces recherches permettent de retenir pour la pratique clinique. Le dynamisme de ce champ de recherche, boosté par des résultats prometteurs, s’enrichit par des recherches visant à expliquer les mécanismes psychologiques, physiologiques et cérébraux sur lesquels reposent les effets thérapeutiques du sport pour la dépression.
Article 20.1
Comment « se fait » un diagnostic de dépression ?
Les périodes de tristesse intense sont des aspects inhérents à l’expérience humaine, et la question de fond est celle de la différenciation entre la dépression majeure et la tristesse «normale», celle qui représente une réaction adaptative face à un événement de vie défavorable. Cette distinction a des conséquences cliniques, scientifiques, thérapeutiques, éthiques et politiques majeures. Dans cet article, le Dr. David Gourion présente un point de vue nosographique et opérationnel de la dépression, selon les critères internationaux de référence et souligne la part importante du jugement clinique et subjectif du praticien pour fixer le seuil de ce qui sera considéré comme une souffrance «significative ». Plusieurs éléments complémentaires permettant de rendre compte de la sévérité de la dépression de manière dimensionnelle sont présentés ainsi que les principaux instruments d’évaluation de la dépression. Force est de constater que la moitié des patients dépressifs ne sont ni diagnostiqués, ni traités. Face à ce constat préoccupant, une meilleure formation clinique des médecins et l’aide des outils de dépistage et d’évaluation disponibles devraient permettre d’optimiser le diagnostic de dépression majeure.
Article 20.2
Comment « se fait » un diagnostic de dépression ? – Discussions et débats
La dépression est un concept jeune, qui s’est construit au fil du 20ème siècle avec autant d’acceptions que de regards posés sur elle : psychologique et psychiatrique, certes, mais aussi philosophique, sociologique, voire politique et économique. La plupart des symptômes de la dépression étant des variations plus ou moins prononcées de réactions normales, tout individu s’en fait une représentation personnelle, et un nombre infini de modèles peuvent être élaborés pour définir l’entité dépression, ses contours et ses mécanismes. Dans cet article le Pr. Antoine Pelissolo expose les débats persistants autours du diagnostic de dépression notamment concernant l’hétérogénéité psychopathologique au sein des dépressions, et le lien entre les diagnostics et les choix thérapeutiques optimaux. Qui traiter et de quelle manière ? Quelles évolutions pourrait-on attendre à l’avenir? Quel sera l’apport des nouvelles technologies pour une « évaluation 2.0» de la dépression ? Quelle sera la place accordée aux biomarqueurs et aux neurosciences?
Article 21
L’identification des rapports bénéfices risques dans la prescription des antidépresseurs
La connaissance du rapport bénéfi ce/risque des antidépresseurs permet d’éclairer la décision de les prescrire et de les utiliser. Différentes recommandations de bonnes pratiques nationales et internationales résument les connaissances scientifi ques actuelles sur les antidépresseurs et défi nissent des protocoles de bon usage qui cadrent les conditions de prescription et d’usage des antidépresseurs. Le Pr. Frédéric Rouillon discute les questions essentielles permettant d’éclairer ces connaissances : quels sont les résultats connus sur les rapports bénéfi ces-risques des antidépresseurs dans les troubles dépressifs ? quelles sont les probabilités relatives de bénéfi cier ou de pâtir des antidépresseurs dans les différentes situations cliniques pertinentes rencontrées dans la pratique ? quels sont les dispositifs méthodologiques utilisés pour produire ces résultats ? D’autre part, les connaissances aujourd’hui disponibles sur l’efficacité de ces différentes approches thérapeutiques ouvrent la voie à d’autres perspectives de compréhension de la physiopathologie des troubles de l’humeur.
Article 22
L’efficacité des antidépresseurs « dans la vraie vie »
Dans cet article, le Dr. Viviane Kovess-Masfety adopte un point de vue «santé publique » sur l’efficacité des antidépresseurs, c’est-à-dire un point de vue qui ne porte pas sur des cas particuliers mais sur des études réalisées dans le cadre de populations et sur des recommandations générales. L’auteure soulève des questions majeures qui ont rencontré peu d’écho en France :
1. Les antidépresseurs ont-ils une efficacité supérieure au placebo ?
2. Les « nouveaux antidépresseurs» sont-ils plus efficaces que les tricycliques?
3. La prescription d’antidépresseurs a-t-elle fait diminuer le taux de suicides ou au contraire facilite t’elle le passage à l’acte suicidaire ? Ces effets sont-ils les mêmes pour les adultes, les personnes âgées, les enfants et les adolescents?
4. Quels sont les effets à long terme des antidépresseurs? Les études sur l’efficacité des antidépresseurs en situation naturelle utilisent plusieurs sources de données et permettent d’analyser: qui prescrits les antidépresseurs, qui les consomme, quelles sont les modalités de prescriptions usuelles et pour quelles pathologies? Ces études montrent que d’un côté, les antidépresseurs sont souvent prescrits pour des états qui ne le nécessitent pas, et cela engendre des couts inappropriés et des risques pour les patients, et de l’autre côté qu’ils ne sont pas assez prescrits aux personnes qui en ont besoin…
Article 23
Aspects cliniques de la dépression bipolaire
Un épisode dépressif majeur peut survenir dans le cadre d’un trouble unipolaire ou d’un trouble bipolaire de l’humeur. Cependant, le trouble bipolaire est fréquemment non reconnu chez les patients consultant pour un épisode dépressif majeur. En pratique, s’il est aisé de poser le diagnostic d’un épisode dépressif majeur bipolaire, en cas d’antécédents de manie ou d’hypomanie reconnus, cela s’avère plus complexe face à un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs inauguraux, ou lorsque les épisodes d’exaltation de l’humeur n’ont pas été identifiés. Cela concernerait beaucoup de patients, car certains études internationales estiment que plus de la moitié des dépressions sont de nature bipolaire. Dans cet article, le Dr. Emilie Olié et le Dr. Marie Brittner se basent sur la littérature internationale et présentent les conséquences majeures, en termes de pronostic et de thérapeutique, qu’entraîne la non reconnaissance des dépressions bipolaires. Elles émettent des recommandations utiles permettant d’orienter le diagnostic vers le spectre bipolaire et les principes thérapeutiques qui en découlent.
Article 24
La dépression dans le DSM-5
La cinquième version du Manuel statistique et diagnostique des troubles mentaux (DSM-5) a été publiée en Mai 2013. Elle est le fruit de travaux importants échelonnés à partir de l’année 2000, jusqu’à l’acceptation définitive du contenu par l’Association Américaine de Psychiatrie, présidée par David Kupfer, Professeur de Psychiatrie de Pittsburg. Dans cet article, le Pr. Julien Daniel Guelfi, coordinateur général de la traduction française, présente les modifications importantes du DSM-5 : la disparition de l’évaluation multiaxiale, l’attention accrue portée à l’utilité clinique des catégories et des critères, la nouvelle structure en 20 catégories dans la section II, et la section III, encore à l’étude. Le Pr. Guelfi détaille successivement les deux nouvelles catégories de la section II (« Le trouble disruptif avec dysrégulation de l’humeur», réservé à l’enfant entre 6 et 18 ans et « Le trouble dysphorique prémenstruel»), puis les principales modifications apportées aux catégories préexistantes de cette section (ex. la suppression du critère d’exclusion du deuil, la modification de structure de la dépression chronique ; les nouvelles spécifications des formes cliniques susceptibles d’avoir un intérêt sur le plan thérapeutique). Les principales nouveautés de la section III sont présentées (ex. «les épisodes dépressifs avec une hypomanie de courte durée », «le deuil persistant compliqué », «le comportement suicidaire et les lésions auto-infligées non suicidaires», l’importance des évaluations psychométriques dimensionnelles). Les changements dans le DSM-5 ne sont peut-être pas révolutionnaires, mais les nombreuses améliorations apportées devraient aboutir à une meilleure caractérisation des patients déprimés et auront des répercussions importantes au niveau des études empiriques.
Article 25
Mémoire autobiographique et dépression
Le rappel en mémoire autobiographique permet la reconstruction de souvenirs personnels à l’origine d’un sentiment d’identité. La dépression est associée à plusieurs anomalies du fonctionnement de la mémoire autobiographique, notamment une difficulté à retrouver volontairement des souvenirs spécifiques, une tendance à visualiser ces souvenirs selon un point de vue de spectateur, la congruence à l’humeur dépressive et la fréquence des souvenirs intrusifs à valence négative. Le Dr. Lemogne décortique les mécanismes psychologiques et cérébraux qui sous-tendent les perturbations des processus mnésiques autobiographiques engendrées par la dépression. Au-delà du matériau psychopathologique qu’ils offrent au clinicien, utilisable de façon aspécifique en psychothérapie, les souvenirs autobiographiques des patients déprimés et leurs caractéristiques phénoménologiques pourraient constituer une cible psychothérapeutique spécifique comme le suggèrent les études existantes.
Article 26
Utilisation des nouvelles technologies dans le traitement de la dépression
La dépression entraîne de fortes répercussions sur les capacités des patients à se prendre en charge au quotidien et entrave l’intégration professionnelle et sociale. Elle s’accompagne souvent d’une absence prolongée au travail, voire d’une perte d’emploi. Les difficultés du fonctionnement quotidien des patients déprimés ne seraient pas expliquées uniquement par les symptômes de la dépression mais seraient d’avantage liés aux troubles neurocognitifs qui accompagnent la dépression. L’utilisation des nouvelles technologies fait partie des nouvelles stratégies requises pour atténuer les conséquences négatives de la dépression sur le fonctionnement cognitif. Dans le présent article, le Dr. Ouriel Grynszpan présente deux formes de prise en charge thérapeutique utilisant des technologies informatisées: les thérapies en réalité virtuelle et la remédiation cognitive. Si la réalité virtuelle reste une promesse pour le traitement de la dépression, la remédiation cognitive assistée par l’ordinateur montre des résultats plus qu’encourageants.
Article 27
Dépression et anhédonie
Théodule Ribot, psychologue français, a crée, en 1896, le néologisme « anhédonie » (du grec: a-, «sans» + hêdonê, «plaisir») pour caractériser «l’insensibilité au plaisir» chez les personnes déprimés, qui « n’existe pas seulement pour le plaisir physique mais pour le plaisir moral (joie, gaité)». Bien que la perte d’intérêt ou de plaisir soit l’un des deux critères nécessaires, avec l’humeur dépressive, pour porter le diagnostic d’épisode dépressif majeur, le terme « anhédonie » n’est pas employé. Dans cet article, le Pr. Raphael Gaillard et le Dr. David Gourion décrivent la pertinence clinique et le caractère prédictif de l’anhédonie pour la dépression et décortiquent la notion de plaisir au travers ses deux composantes: la motivation à obtenir un plaisir d’une part, et la qualité subjective de ce plaisir, d’autre part. Ils décrivent les processus psychologiques et les bases cérébrales des composantes du plaisir en s’appuyant sur des études psychométriques, expérimentales et neuroscientifiques. Une meilleure caractérisation de l’anhédonie devrait permettre de mieux la prendre en compte dans la prise en charge des patients déprimés, en particulier en décrivant les effets des différents antidépresseurs sur cette dimension, de spécifier différents types de patients devant bénéficier de prises en charge différentes, et plus généralement de guider l’innovation thérapeutique.
Article 28
Suicide et antidépresseurs
La décennie passée a vu couler beaucoup d’encre sur la possibilité d’un risque suicidaire induit par les antidépresseurs, ce qui a conduit aux mises en garde, en particulier chez les personnes âgées de moins de 25 ans. Cependant, la succession d’études épidémiologiques, écologiques et toxicologiques révèle des résultats discordants et indique que les prescriptions d’antidépresseurs sont assorties de moins de suicides aboutis. Il a été même avancé que si l’on prescrivait un antidépresseur à tous les sujets déprimés français on pourrait diviser par 3 la mortalité suicidaire, quel que soit l’âge, le genre et l’histoire suicidaire du sujet. Le Pr. Philippe Courtet et le Dr. Emilie Olié présentent les données de cette littérature épineuse et analysent les risques de biais possibles dans les procédures méthodologiques utilisées. Dans la mesure où la vulnérabilité suicidaire et l’environnement social jouent un rôle majeur dans la survenue des actes suicidaires, la prévention du suicide chez les patients déprimés ne repose pas uniquement sur le traitement de la dépression. L’identification d’endophénotypes du «trouble conduite suicidaire » est susceptible d’offrir de nouvelles pistes thérapeutiques et une meilleure compréhension des phénotypes cliniques de la dépression liés au risque de suicide…
Article 29
Dépression, burn-out et risques psychosociaux
Le concept de burn-out se réfère généralement à des manifestations d’épuisement professionnel. Il désigne un état psychologique, émotionnel et physiologique résultant de l’accumulation de stresseurs professionnels variés. Contrairement à une réaction banale de stress, le burn-out se manifeste en réponse à une quantité de stresseurs qui se répètent continuellement et s’inscrivent ainsi dans la durée. Il est donc juste de voir le burn-out comme une sorte d’aboutissement, de conséquence de réactions de stress quotidiens qui finissent par user et épuiser l’individu. Dans cet article, le Dr. Patrick Légeron décrit les différentes dimensions et manifestations psychologiques et physiologiques spécifiques du burn-out et leur caractère handicapants pour le fonctionnement personnel de l’individu et celui du contexte dans lequel il évolue. L’étude des mécanismes intimes qui surviennent à l’intérieur de l’organisme soumis au stress et dans l’état de burn-out, montrent qu’il serait avant tout le résultat de l’effet produit par des contextes situationnels, même si ce phénomène se traduit essentiellement au niveau de l’individu. Par conséquent, « Ce n’est donc pas tant l’individu qu’il faut soigner, mais son environnement de travail !». Quels sont les facteurs environnementaux reconnus comme contribuant au développement du burn-out? S’agit-il d’une forme particulière de dépression ? d’un « Trouble de l’adaptation avec humeur dépressive »? ou encore d’une pathologie mixte associant dépression et trouble de l’adaptation…?